L’énergie que nous déployons chaque jour ne pourrait être produite sans la coenzyme Q10 (ubiquinol), une cousine des vitamines qui est aussi un antioxydant majeur. Sa synthèse endogène diminuant avec l’âge, une supplémentation peut s’avérer judicieuse dans de nombreux cas de figure comme la fatigue, les maladies cardiovasculaires, la pratique intensive du sport, le vieillissement ou encore les maladies neurodégénératives.
Isolée à partir de mitochondries de cellules d’un cœur de bœuf dans les années 1950, la coenzyme Q10 (CoQ10) a révélé ses implications physiologiques majeures au cours des années 1960 et 1970. On a découvert qu’elle était, en particulier, indispensable à la production d’énergie au niveau des mitochondries , ces micro-usines énergétiques qui équipent chacune de nos cellules. Mais elle est aussi présente dans les membranes cellulaires, participant à leur intégrité et à leur stabilité en les protégeant des radicaux libres.
Nous synthétisons normalement la CoQ10 sans problème à partir d’acides aminés, de vitamines, d’oligoéléments et de minéraux. Mais cette synthèse endogène commence à diminuer à partir de 25 ans environ , pour baisser plus significativement après 40 ans. La prise de certains médicaments (statines, bêtabloquants, antidépresseurs…) contrarie également sa production.
On trouve la CoQ10 dans l’alimentation, notamment dans les viandes, les poissons, les céréales complètes, les épinards, le brocoli et certains fruits à coque, mais en quantité insuffisante pour compenser une synthèse endogène déficiente . Une supplémentation peut alors s’avérer utile, car un faible niveau de CoQ10 sur le long terme constitue un facteur d’accélération du vieillissement et favorise notamment la DMLA, le diabète, les cardiopathies, les problèmes rénaux et la dégénérescence nerveuse.
L’insuffisance cardiaque est devenue un enjeu de santé majeur avec le vieillissement de la population. Les années passant, le cœur perd de sa vigueur contractile ; ses fonctions d’aspiration et de propulsion du sang s’affaiblissent. La circulation s’en trouvant affectée, d’autres organes entrent en souffrance à leur tour.
L’insuffisance cardiaque est souvent accompagnée de niveaux élevés « d'espèces réactives de l'oxygène » anciennement appelées « radicaux libres » et qu’on désigne maintenant par l’anglicisme ROS pour reactive oxygen species. Ces ROS sont des vecteurs importants d’endommagement cellulaire. La CoQ10, grâce à ses propriétés antioxydantes, participe à leur neutralisation , permettant d’éviter, en grande partie, les dommages que les ROS occasionnent au sein de l’organisme.
La recherche suggère qu’une supplémentation en CoQ10 améliore la pression artérielle systolique et favorise donc une meilleure circulation sanguine. La prise de CoQ10 est associée à une baisse de la mortalité par cardiopathies et à une meilleure récupération des patients ayant subi un pontage coronarien. Elle prévient, en outre, les dépôts de cholestérol dans les artères, réduit la rigidité des vaisseaux (contribuant à lutter contre l’hypertension) et favorise la vasodilatation par l’augmentation des niveaux d’oxyde nitrique.
Les statines, quasi systématiques dans la prise en charge conventionnelle de l’hypercholestérolémie, figurent parmi les médicaments les plus prescrits au monde. Mais elles ne sont pas sans inconvénients : un quart des patients qui en consomment se plaignent d’une grande fatigue et de douleurs musculaires ‒ des « effets secondaires » qui conduisent d’ailleurs une fraction d’entre eux à délaisser leur traitement.
Il est aujourd’hui établi que les statines, du fait de leur mode d’action, diminuent la synthèse endogène de CoQ10 . En compensant cette baisse par une supplémentation, les douleurs et la fatigue ressenties par une partie des patients s’en trouvent significativement réduites, comme l’établissent plusieurs études. Est-il indiqué, pour autant, d’associer systématiquement la prise de CoQ10 à un traitement par statines, et à quelles doses ? La recherche n’a pas encore tranché, mais il semble raisonnable de pencher pour des cures régulières sur la base de 30 à 50 mg/jour.
Les maladies neurodégénératives sont un autre enjeu de santé majeur, en particulier chez les « boomers », cette génération qui profite à plein de l’allongement de l’espérance de vie, mais pas toujours dans les meilleures conditions.
En tant qu’élément indispensable à la respiration cellulaire, la CoQ10 est impliquée aussi dans le bon fonctionnement des cellules nerveuses. De faibles niveaux en CoQ10 sont largement associés aux principales maladies neurodégénératives, telles qu’Alzheimer, Parkinson, Huntington, Charcot ou la plus rare ataxie de Friedreich, toutes caractérisées (entre autres choses) par un dysfonctionnement mitochondrial.
Les études et l’expérience clinique montrent des améliorations significatives de ces pathologies par la prise de CoQ10 à des doses conséquentes (de 90 à 2000mg/jour) ur des périodes prolongées (en parallèle des thérapies classiques), même si les mécanismes d’action de la CoQ10 et l’implication des mitochondries dans l’évolution neurodégénérative demandent encore à être éclaircis.
Les derniers travaux en date suggèrent que les bénéfices de la CoQ10 pourraient s’étendre au spectre des maladies dites « mentales » , telles que l’autisme, la dépression et les troubles bipolaires, ainsi qu’à la sclérose en plaques et l’épilepsie.
La CoQ10 ne se contente pas de redonner de l’énergie en cas de fatigue. Différents travaux suggèrent qu’elle optimise aussi la performance musculaire durant l’effort, plus particulièrement durant l’effort intense, et qu’elle protège, dans une certaine mesure, des dommages musculaires souvent occasionnés par la pratique sportive. L’un d’eux a suivi pendant deux ans les joueurs de l’Athletic Club de Bilbao (ligue 1 du football espagnol) et a montré que les niveaux sanguins de CoQ10 les plus élevés durant les phases de compétition les plus intenses étaient associés à une réduction des marqueurs de stress (cortisol) et de dommages musculaires (créatine kinase), à une meilleure fonction rénale et à des performances sportives en progression.
- Syndrome métabolique et inflammation : les études associent de faibles niveaux circulants de CoQ10 à une augmentation de l’inflammation et du stress oxydatif, deux phénomènes eux-mêmes impliqués dans la progression du syndrome métabolique, de l’obésité, de la maladie du foie gras et de l’athérosclérose. Si l’intérêt direct d’une supplémentation en CoQ10 sur ces pathologies reste à démontrer, celle-ci apparaît plus clairement susceptible de limiter les niveaux de certains facteurs proinflammatoires comme la cytokine TNF α.
- Fertilité masculine : impliquée dans la moitié des situations d’infertilité, la faible qualité du sperme est fortement associée au stress oxydatif. Les études montrent toutes un effet bénéfique des supplémentations en CoQ10 (de 150 à 300 mg/jour durant douze semaines à plusieurs mois) sur les paramètres qualitatifs du sperme.
- Santé bucco-dentaire : la prise quotidienne de CoQ10 (de 60 à 100 mg/jour pendant six semaines à six mois selon les études) améliore la maladie parodontale, réduisant aussi bien l’inflammation des gencives que la profondeur des « poches » entre les dents et la gencive à l’origine du déchaussement dentaire.
- Le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) : la prise quotidienne de CoQ10 durant 12 semaines par des femmes souffrant du syndrome des ovaires polykystiques a montré, par rapport à un groupe placebo, des effets bénéfiques sur leurs scores de dépression et d'anxiété, une baisse dans le sérum des marqueurs d'inflammation (CRP), de la testostérone totale, de la DHEA, et une hausse significative de la SHBG (une protéine équilibrant les hormones stéroides) et des capacités antioxydantes. L'étude constate également une baisse de l'hirsutisme.
- Migraine : plusieurs études suggèrent qu’une supplémentation en CoQ10 (de 100 à 300 mg/jour, en plus des médicaments utilisés habituellement) réduit considérablement la fréquence des attaques migraineuses ainsi que leur intensité.
- Glycémie : comme d’autres pathologies, le diabète est associé à de faibles niveaux circulants d’ubiquinol (la forme réduite de la coenzyme Q10) et à un niveau élevé de stress oxydatif. Les études suggèrent qu’une supplémentation en coenzyme Q10 aide à mieux contrôler sa glycémie à jeun, à limiter les niveaux de triglycérides et à augmenter la part du cholestérol HDL (le déséquilibre en faveur du cholestérol LDL est caractéristique du diabète).
Élément de base de la production d’énergie et antioxydant majeur, la coenzyme Q10 est donc un ingrédient indispensable à la bonne santé de la cellule et, par extension, à celle de la plupart des tissus. Les nombreuses recherches suggèrent qu’une supplémentation de l’ordre de 30 à 100 mg/jour en cures de six à douze semaines améliore un grand nombre de paramètres de santé (avec une excellente tolérance), les doses plus élevées devant être réservées à une approche thérapeutique sous supervision médicale.
Reste le débat sur la forme à privilégier : ubiquinone (la forme oxydée) ou ubiquinol (la forme réduite circulante) ? L’organisme est théoriquement à même de convertir l’ubiquinone en ubiquinol, mais il est plausible que l’âge soit un facteur de moindre capacité à effectuer cette transformation, ce qui plaiderait en faveur de l’ubiquinol, à l’assimilation plus directe, au moins pour les séniors. Quelle que soit la forme, la CoQ10 étant liposoluble, elle est à prendre dans le cadre d’un repas intégrant des lipides.
Article https://www.alternativesante.fr/coenzyme-q10/pourquoi-les-cardiologues-ignorent-ils-la-coenzyme-q10
Sources
« Clinical evidence for Q10 coenzyme supplementation in heart failure: From energetics to functional improvement », Journal of Clinical Medicine, avril 2020.
« The effect of coenzyme Q10 supplementation on oxidative stress: A systematic review and meta-analysis of randomized controlled clinical trials », Food Science & Nutrition, mars 2020.
« Ubiquinol-10 intake is effective in relieving mild fatigue in healthy individuals », Nutrients, juin 2020.
« Coenzyme Q10 supplementation decreases statin-related mild-to-moderate muscle symptoms: a randomized clinical study », Medical Science Monitor, novembre 2014.
« Coenzyme Q10 a mitochondrial restorer for various brain disorders », Naunyn-Schmiedeberg’s Archives of Pharmacology, octobre 2021.
« Effects of coenzyme Q10 on markers of inflammation: a systematic review and meta-analysis », PLOS ONE, janvier 2017.
« Coenzyme Q10 and male infertility: a sytematic review », dans Antioxydants, mai 2021.
« Evaluation of the efficacy of coenzyme Q10 in the management of chronic periodontitis: a clinical study »,Dental Journal of Advance Studies octobre 2021. –
« Effectiveness of coenzyme Q10 in prophylactic treatment of migraine headache: an open-label, add-on, controlled trial », Acta Neurologica Belgica, septembre 2016.
« Effectiveness of coenzyme Q10 supplementation for type 2 diabetes mellitus: a systematic review and meta-analysis », International Journal of Endocrinology, septembre 2018.
"The effects of coenzyme Q10 supplementation on metabolic profiles and parameters of mental health in women with polycystic ovary syndrome", Gynecol Endocrinol, oct 2021.
"Micronutrient deficiencies in heart failure: Mitochondrial dysfunction as a common pathophysiological mechanism?", Journal of Internal Medicine, 2022
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