La prêle pour le un bien-être
articulaire et vasculaire
Au commencement, il n’y avait de vie que sous l’eau, puis des mousses ont fait leur apparition sur la terre, altérant l’atmosphère. Les algues avaient déjà commencé à opérer la photosynthèse, ouvrant la voie à leurs descendantes, les plantes, qui n’ont cessé depuis d’évoluer.
Il n’y avait alors pas d’arbres, parce que les végétaux n’avaient pas inventé l’écorce. Les seules plantes existantes se multipliaient par spores. Celles-ci prenaient peu le vent, se déplaçaient surtout par l’eau. Ni les graines ni les fleurs n’existaient.
C’était une minute encore avant que la nature n’invente le bois. Mais une minute en ce temps-là équivalait à 5 millions d’années… C’est de cette époque très lointaine – le Dévonien – que date la prêle qui, faute de poumons, ne pourra souffler ses 380 millions de bougies…
La prêle donc, dernière espèce de sphénophyte, représente une branche de l’évolution des plantes à part entière, au même titre que les fougères dont elle est une cousine, les conifères ou les plantes à fleurs. Il s’agit donc d’une plante très différente des autres.
Elle existait, dans les temps très reculés du Carbonifère, sous des formes arborescentes que l’on appelait calamites. On en retrouve des traces dans la houille, où elles ont tracé des veines. De ces empreintes, nous pouvons déduire qu’elle mesurait en moyenne 10 mètres de haut, avec des pointes de 20 à 40 mètres.
Heureusement pour nous, cette championne de la survie n’est pas avare de ses dons curatifs. Et du haut de son grand âge, elle a beaucoup à nous apprendre. De nombreuses variétés de prêles existent sur les différents continents, dont un certain nombre sont utilisées par les médecines traditionnelles locales depuis des millénaires.
Sous nos latitudes, c’est la prêle de champs qui nous est la plus familière. Elle aime à s’installer au jardin, en particulier près des points d’eau où elle s’épanouit avec certaines de ses cousines. D’ailleurs, la présence de prêles nombreuses indique celle d’un point d’eau souterrain, et vous seriez bien avisé de sonder la terre à cet endroit-là si vous songez à creuser un puits.
Son nom, Equisetum arvense, signifie mot à mot « soie de cheval », terme latin pour queue-de-cheval, son nom vernaculaire. Elle doit cette appellation à sa forme très particulière, tout en tiges. Les Romains l’appelaient aussi le « poil de terre », puisqu’il s’agit d’une plante sans fleur. De son rhizome souterrain noir sortent deux types de tiges.
Dès la fin de l’hiver apparaissent des tiges fertiles d’un brun jaunâtre d’environ 15 cm. Epaisses et un peu charnues, elles portent à leur sommet un épi de sporanges roussâtres renfermant la poussière reproductrice. Ce sont elles dont les pouvoirs sont puissamment reminéralisants. Une fois leur mission accomplie, elles disparaissent rapidement.
Viennent ensuite des tiges stériles, vertes et minces, hautes de 20 à 80 cm, qui donnent son nom à la plante. Lorsqu’elles pointent hors du sol, elles forment une brève pyramide de courtes brindilles étroitement serrées les unes contre les autres.
La prêle est une plante qui contient beaucoup de silice et d’acide silicique, qu’elle puise directement dans la terre où elle enfonce ses racines, et dont elle est un prolongement vivant. De ce fait, on la considère comme la plante la plus à même, avec le bambou et l’ortie également riches en silice, de soutenir notre charpente.
Pourquoi ? Parce que ce minéral, extrêmement présent dans la nature mais également dans l’organisme, intervient notamment dans la production de notre collagène (15 à 20% de notre organisme), indispensable à la résistance de nos tissus conjonctifs, et de l’élastine, garante de leur souplesse.
De la production de ces deux protéines complémentaires dépend donc la résistance de tous nos tissus de soutien : muscles, os, cartilages, tendons. Oui mais voilà : avec l’avancée en âge, et la baisse des taux d’œstrogènes pour les femmes, nos réserves en silicium s’amenuisent tandis que notre production de collagène et d’élastine diminue également.
La prêle est donc particulièrement conseillée en accompagnement de la plupart des troubles ostéo-articulaires : consolidation des fractures, recalcification, traitement de fond de l’ostéoporose, de l’arthrose et des polyarthrites, douleurs rhumatismales, tendinites à répétition…
Comme le rappelaient une fois de plus il y a peu deux études de grande ampleur, la consommation de beaucoup de calcium n’a non seulement pas montré d’effet protecteur contre les risques de fracture osseuse (1), mais elle pourrait bien augmenter le risque d’ostéoporose, en particulier lorsqu’il est d’origine laitière.
Les hommes consommant plus de 780 mg par jour de calcium et les femmes en consommant plus de 650 mg par jour verraient ainsi leur risque d’ostéoporose augmenter selon certaines études (2). Un comble lorsqu’on sait que les apports nutritionnels conseillés en France ont été revus à la hausse en 2001, pour atteindre 1200 mg par jour pour les femmes de plus de 55 ans et les hommes de plus de 65 ans. La France, ce grand producteur de lait…
Une consommation modérée de calcium alimentaire (entre 275 mg et 650 mg), de source végétale (légumes et fruits) permettrait d’après les études une protection optimale. Pour qu’une calcification harmonieuse se fasse, le corps a donc besoin d’une bonne trame protéique à base de collagène, charpente sur laquelle les tuiles de calcium pourront ensuite se fixer solidement. C’est ici que la prêle a notamment son rôle à jouer, d’autant qu’elle aurait aussi un effet stimulant sur les ostéoblastes, ces cellules du corps spécialisées dans la construction du tissu osseux.
Les fibres de collagène jouant un rôle central dans la santé du derme, la prêle favorise la cicatrisation et la régénération de la peau, améliore sa résistance et son élasticité. Elle peut donc trouver sa place dans la prévention des rides et des vergetures, d’autant que les polyphénols qu’elle contient sont antioxydants. On l’utilise souvent avec succès, notamment en usage externe, pour traiter les plaies qui ont du mal à cicatriser. La Commission E allemande recommande d’ailleurs quant à elle l’usage médicinal de la plante pour traiter les œdèmes consécutifs à un choc, à la manière de l’arnica. Sous forme hydroalcoolique, elle a montré des effets anti-inflammatoires et antalgiques qui se combineront bien pour cette utilisation.
On retrouve ici cette fonction centrale de la plante : le retour à l’intégrité du corps et de ses tissus. On ne sera donc guère étonné de constater que la prêle est hémostatique, c’est-à-dire qu’elle aide à arrêter les hémorragies en favorisant la coagulation, ce pourquoi elle est utilisée depuis l’Antiquité. Elle est également pour cette raison à tester en cas de règles trop abondantes.
Dans le même ordre d’idées, elle est recommandée pour la prévention des maladies cardiovasculaires et de l’athérosclérose car, rappelons-le, élastine et collagène sont indispensables à la santé et à la tonicité des parois artérielles. Ses propriétés diurétiques enfin, liées à sa richesse en potassium et en flavonoïdes, la rendront utile pour les cas d’hypertension mais aussi en prévention des calculs rénaux ou pour accompagner d’autres plantes en traitement des infections urinaires.
La prêle est l’une des sources naturelles les plus riches en silicium sous la forme d’une substance complexe appelée acide monosilicique. C’est cet élément en particulier qui permet le renforcement des autres tissus conjonctifs. Outre le silicium et de nombreux flavonoïdes, la prêle recèle également des stérols qui renforcent les membranes cellulaires, de l’acide ascorbique (vitamine C).
Est-ce pour cette raison qu’au Japon, les jeunes tiges sont consommées cuites à la vapeur puis sautées à l’huile, ouconservées au vinaigre ? La plante fraîche recèle en effet de 200 à 260 mg de vitamine C par kilo.
Le silicium contenu dans la tige et les feuilles confère des propriétés extrêmement abrasives à toute la plante, à tel point qu’on utilisait cette queue de cheval autrefois pour nettoyer les casseroles et pour polir les bois précieux.
Pour profiter de ses vertus, plusieurs possibilités existent. La prêle est souvent consommée sous forme de poudre micronisée, notamment pour la consolidation osseuse, à hauteur d’un à trois grammes sous forme de gélules, ou d’une cuillerée à café le matin mélangée à un peu de compote par exemple (forme à éviter en cas de problèmes rénaux). On la trouve également sous forme de teinture mère, de suspension de plantes fraiches ou d’extrait fluide.
D’autres formes existent également, enrichies en silice végétale, pour pouvoir l’absorber sous forme liquide sans limiter pour autant les apports en minéraux. Si les infusions de prêle ne sont pas déconseillées, certains des principes actifs de la plante sont peu solubles dans l’eau. Elle garde toutefois sous cette forme ses propriétés diurétiques (15 g de plantes dans 60 cl d’eau portée à ébullition. Prenez ensuite une tasse ou une demi-tasse, trois fois par jour).
Petite mise en garde : sauf si vous vous y connaissez, évitez de cueillir et de préparer votre prêle vous-même, car vous risqueriez de confondre la prêle des champs avec une de ses neuf cousines poussant en France, comme la prêle des marais ou prêle palustre. Si celle-ci a montré des intérêts médicinaux, notamment des vertus antiparasitaires, sa toxicité est avérée (forte teneur en thiaminases) et elle est réputée pour créer à terme des problèmes de santé aux animaux qui s’en nourrissent.
On notera en passant que la prêle n’est pas seulement bonne pour le corps, mais aussi pour les autres plantes. Sa cendre riche en minéraux (calcium, potassium, fer, manganèse, magnésium, sodium, soufre) entre dans la composition d’engrais naturels, tandis que son purin a un effet préventif et curatif sur plusieurs maladies cryptogamiques : mildiou, monilia, tavelures, rouilles… Cette plante est de longue date reconnue par la médecine anthroposophique comme une alliée et elle est couramment utilisée sous différentes formes dans l’agriculture biodynamique.
Il ne vous reste qu’à la découvrir, en espérant que notre aïeule vous donnera un peu de son tonus et beaucoup de son endurance !
(1) Calcium intake and risk of fracture: systematic review. British Journal of Medicine, 2015; 351.
(2) « Long-term low intake of dietary calcium and fracture risk in older adults with plant-based diet: a longitudinal study from the China Health and Nutrition Survey ». Journal of Bone and Mineral Research.
Source et photos : www.plantes-et-sante.fr/
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